Notes de Cécile jeudi 10 mai 2007 Paris XII
Les droits de l'enfant
Cette conférence a été organisée par Michèle . dans le cadre du module Politique de l’Enfance/Politique de la Famille (U.E.7 du Master I, axe II du D.S.T.S).
Claire Brisset[1] a été Défenseure des Enfants d’avril 2000 à juin 2006, nommée à ce poste par Lionel Jospin alors Premier Ministre sous la présidence de Jacques Chirac et dans le cadre de la 3ème cohabitation de la Vème République. C’est Dominique Versini[2] qui lui succède depuis juin 2006.
Claire Brisset situe son exposé dans la perspective de l’histoire des droits de l’enfant.
1/ Janusz Korczak :
En Pologne, au début du 20ème siècle, le pédiatre juif Janusz Korczak est à l’initiative de la notion de « droits de l’enfant ». Précurseur, il publie en 1914 « Aimer un enfant »[3], ouvrage dans lequel il défend l’idée selon laquelle « si on respecte les enfants, ils se structurent ». Or, dans ce pays à l’époque traditionaliste, catholique et conservateur, le discours de Korczak est perçu comme subversif.
Durant la Deuxième Guerre Mondiale et après la prise de son pays par les nazis, Korczak est enfermé dans le Ghetto de Varsovie puis déporté à Treblinka pour avoir refusé de quitter les enfants et répondu à un SS qui lui proposait de se sauver : « non, je reste avec les enfants, sinon j’aurais trop peur de vous ressembler ». Il y sera exécuté dans une chambre à gaz.
2/ La S.D.N. :
A l’issue de la Première Guerre Mondiale naît la S.D.N. (Société des Nations), qui crée un Comité de Protection de l’Enfance, dans le cadre de la Déclaration de Genève publiée en 1924 par la S.D.N.
Korczak avait d’ailleurs jugée cette déclaration incantatoire car non assortie de mesures contraignantes.
3/ Après la Deuxième Guerre Mondiale :
Création de l’O.N.U. puis de l’U.N.I.C.E.F. en 1946.
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948 : l’enfance y est considérée comme un prolongement de la maternité et non pas en tant que telle, ce qui constitue une régression conceptuelle.
4/ En 1959 est publiée une nouvelle déclaration, texte qui a valeur de référence mais qui, contrairement aux traités, ne comporte toujours pas de caractère contraignant. Ce texte, qui énumère une dizaine de grands principes, renoue toutefois avec le travail de la S.D.N. en affirmant que « l’humanité doit à l’enfant le meilleur d’elle-même ».
5/ L’année 1979 est déclarée Année internationale des droits de l’enfant. C’est aussi à cette période que l’humanité découvre au Cambodge, après la Shoah et l’Arménie, le 3ème grand génocide du 20ème siècle[4].
6/ 1989 : la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est adoptée par l’O.N.U. à l’unanimité sauf les U.S.A. et la Somalie (qui n’ont toujours pas ratifié…). La France est le premier pays de l’Europe des Douze de l’époque à ratifier cette convention.
Trois grands principes (les trois P.) :
- Provision, du verbe anglais « to provide » qui signifie « pourvoir », « subvenir à ». Ce principe affirme le droit de l’enfant à l’assistance de base.
- Protection : de l’enfant contre toute forme de violence, y compris institutionnelle (en milieu scolaire par exemple).
- Participation : des enfants aux décisions qui les concernent notamment (conseils municipaux d’enfants dans certaines communes).
La Convention définit un certain nombre de droits, parmi lesquels le droit fondamental à une existence légale (déclaration à l’état-civil), le droit à l’éducation (l’école a le devoir de favoriser l’épanouissement de l’enfant et l’accomplissement de ses capacités).
La notion de l’intérêt supérieur de l’enfant est au coeur de l’esprit du texte.
Sont également affirmées les libertés de pensée, de conscience et de religion : l’enfant est une personne.
Le premier lieu d’épanouissement de l’enfant doit être la famille, au sens large.
Les parents sont responsables tous les deux.
7/ A partir des années 2000, les pays mettent en place des institutions nationales visant à garantir le respect de cette Convention.
C’est dans ce cadre que le Défenseur des Enfants[5] est institué en France.
Cependant il n’existe pas d’institutions (type C.E.D.H.) destinées à garantir l’effectivité du texte.
D’après Claire Brisset il n’est pas possible, en raison de leur nombre en particulier, mais également des questions de souveraineté, d’imaginer autant de juridictions que de conventions internationales.
« Le Défenseur des Enfants » est une autorité indépendante ; elle ne reçoit d’instruction d’aucune autre autorité, c’est une caractéristique de ce type d’instance.
Le D.E. est investi des missions suivantes :
- il est destiné à recevoir les plaintes d’enfants dont les droits n’auraient pas été respectés. Qui peut saisir le D.E. ? L’enfant lui-même, son ou ses responsables, les structures d’utilité publique ; le D.E. peut s’auto-saisir…
- repérage de dysfonctionnements dans les pratiques ou au plan juridique.
- proposer des réformes.
- mission d’information.
- rapport au Président de la République : cf. site Web pour les six rapports déjà existants.
Le D.E. est composé d’une équipe de vingt-cinq personnes, parmi lesquels des juristes, des travailleurs sociaux, des psychologues.
Douze mille « cas individuels » ont été examinés entre 2000 et 2006 ; six mille ont été « réglés ».
Ainsi, le D.E. a été saisi de nombreuses plaintes relatives à des mauvais traitements commis par des enseignants en milieu scolaire. Ce problème a été signalé dans un rapport transmis au Président de la République qui a donc demandé à l’Inspection de l’Éducation Nationale de procéder à une enquête, ce qui a permis d’enrayer le problème.
La question de la scolarisation des enfants handicapés figure actuellement parmi les préoccupations du D.E., et ce malgré les « améliorations » apportées par la loi de 2005[6].
Les plaintes liées aux conditions de logement sont nombreuses également.
Les adolescents sont de plus en plus nombreux à saisir le D.E.
Il est une question sur laquelle le D.E. a obtenu des améliorations, c’est celle de la prostitution chez les 15-18 ans. La « minorité sexuelle » s’étend dorénavant jusqu’à l’âge de 18 ans (dans ce cadre uniquement ?) et peut de ce fait être opposée aux individus faisant l’objet de poursuites judiciaires dans des affaires de prostitution.
Autre question préoccupante pour Claire Brisset : l’hospitalisation des 15-18 ans en section « adulte ». A 15 ans et trois mois en effet, l’adolescent ne relève plus de la pédiatrie. Claire Brisset pense que la prise en charge en hospitalisation « adulte » est inadaptée à cet âge de la vie.
Par ailleurs s’agissant des 15-18 ans, 15% des ados ne vont pas bien, parmi eux 5% ont des conduites suicidaires ; le problème de leur prise en charge demeure irrésolu car insuffisamment considéré par les pouvoirs publics. Ainsi, il n’y a pas assez de structures de type « Maison de l’Adolescence ».
Enfin, dans le domaine de la petite enfance, Claire Brisset est opposée à la scolarisation des petits avant l’âge de deux ans ; elle s’appuie en particulier sur les travaux de Boris Cyrulnik[7] pour qui « une scolarisation précoce génère un stress post-traumatique ».
Dans tous les cas de figure, c’est au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant que le D.E. exerce ses missions, c’est-à-dire dans le droit fil de « l’esprit de la loi » contenu dans la Convention de 1989.
C’est ainsi que Claire Brisset conclut en affirmant la nécessité d’un enseignement juridique renforcé dans la formation des travailleurs sociaux, et psycho-social dans la formation des magistrats, ce qui commence à se faire à l’E.N.M. (Ecole Nationale de la Magistrature, Bordeaux).
Les questions posées par les étudiants à l’issue de l’exposé de Claire Brisset permettent un débat (très bref) sur le problème des conditions de garantie de l’effectivité de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant dans le monde, et plus largement, de s’interroger sur les « chantiers » en cours ou envisagé par le Défenseur des Enfants.
[1] Cf. Web
[2] cf. Web
[3] «Aimer un enfant » de Janusz Korczak, éditions Robert Laffont.
[4] Cf. le film « La déchirure ».
[6] Loi du 11 février 2005
[7] « L’école à 2 ans, est-ce bon pour l’enfant ? » de Boris Cyrulnik, sous la direction de Claire Brisset et de Bernard Golse, édition Odile Jacob.