UE5
Le 21/10 + le 18/11/2004
Prolégomènes :
L’assistance, l’action sociale : comment ça se joue à travers les époques et les sociétés ?
Tout concourt à lire l’action sociale au présent . (enfermement, ordonnances de 45…)
Pourquoi ?
Il y a enchevêtrement, inflation de lois, de textes…Une grande hétérogénéité du paysage institutionnel ; de nouveaux métiers…
Or, s’il n’y a pas de précédents, aucune comparaison n’est possible. L’évaluation est difficile.
On est dans le flou, les représentations partielles ; les travailleurs sociaux sont les instruments de politiques changeantes…
Il y a différents types d’histoire :
- l’histoire institutionnelle
- l’histoire sociale : invention des sentiments, des notions ( par ex « histoire des mères » de Y Kniebiehler ; J Delumeau, la peur et le péché en Occident)
- l’histoire économique
- (l’histoire événementielle…)
On peut prendre en compte le temps court
le temps cyclique (Méthode de Braudel)
le temps long, (permanence)
L’histoire sert à éclairer les données et les représentations venues du passé.
Le travail social : il est question de distance, de regard, de posture…
Une première tentation :
Réduire au maximum la distance avec le passé ; tout réduire au présent. « macro-histoire »
Un paradigme : le modèle des modèles.
Un concept : sert à permettre de penser avec des catégories qui ne permettent pas la confusion.
Dans les sciences sociales, il n’y a pas de fiats, il n’y a que des interprétations (Nietzche)
L’objectivité n’existe pas (dans les sciences exactes non plus, même les chiffres sont sujets à interprétation)
L’enjeu pour nous : contrôler le plus possible l’interprétation ; par la démarche d’interprétation dans les sciences sociales:
- la représentation
- la distribution
- l’attribution de la signification
Une deuxième tentation :
Augmenter la distance, (l’annuler) ; regarder le passé et le présent en prenant des objets partiels (exotiques, anecdotiques…)
Du schéma téléologique : évolutionniste façon Darwin, au schéma événementiel : la civilisation succède à la barbarie… idée de rupture…
Ces deux schémas n’empruntent pas les méthodes de la recherche historique.
Enjeu : produire un dispositif théorique capable de rendre compte à la fois des principes de cohérence (tentation de l’unité) et des principes de dispersion, contradiction, hétérogénéité (Max Weber)
La tentation unitaire dans une recherche : mettre de côté ce qui gêne)
1er grand principe : de délimitation du champ : séparer l’objet observé de ce qui ne nous intéresse pas.
L’assistance : c’est cet ensemble de phénomènes, qui visent à assurer à des défavorisés la satisfaction de besoins dits fondamentaux dans une société donnée.
La méthode socio-historique : produit des modèles de travail social, selon une périodisation ; détermine des périodes limitées par des seuils au delà desquels l’interprétation se modifie.
La société marchande, urbaine, industrielle, commence à Louis XIV. La protection rapprochée se modifie.
F Montcomble construit l’hypothèse que :
Le travail social est déterminé structurellement par 3 systèmes d’assistance, successivement :
- la redistribution
- la charité
- l’intervention sociale.
-
1 LA REDISTRIBUTION :
cf des anthropologues :Malinowski, Salhins (ethnologue) et Marcel Mauss : essai sur le don.
DONNER RECEVOIR RENDRE : les fondements de l’échange, de l’économie.
Essai sur le don (Mauss) : dans des sociétés primitives, le pouvoir a la faculté de se dessaisir de certaines richesse : de donner.
Plus on donne, plus on est puissant.
Il s’agit d’une recherche de prestige social ; un produit de la sociabilité. (voir des festins, on brûle, on « claque »…)
Mauss cherche quelle est la règle institutionnelle (quelles sont les règles de droit et d’intérêt) qui font que le présent donné est obligatoirement rendu. (interrompre l’échange est le plus grand crime) .
Les formes primitives du contrat : quelle force y a-t-il dans la chose donnée, qui fait que le débiteur la rend ?
Le POTLACH : un système de dons échangés ; ce qui compte c’est l’acte, pas l’objet ;
Il y est question d’honneur (pas de profit) ; d’une recherche de prestige.
Il s’agit de brûler, de détruire… ; une surenchère, un concours dans le détruit.
Il importe de perdre pour être considéré comme riche.
C’est une logique de prestige et d’alliance.
Ex de tribus à Madagascar : quand quelqu’un meurt, on tue tous ses animaux. Le prestige acquis rejaillit sur ses fils. (c’est hors de notre logique).
Une logique fondatrice de l’échange social.
Les jeux du cirque : de grandes redistributions, qui ont une fonction politique, contrôler les foules.
La dette, le crédit : dans les sociétés traditionnelles, forme archaïque mais noble du marché sans marchand, sans monnaie.
On échange l’honneur, et non le profit.
Il s’agit d’échanges volontaires / obligataires de biens, associés à l’appartenance familiale et au rang ; une question de statut.
Lévi Strauss : « les produits de l’activité sociale sont rendus comparables entre eux par le caractère commun que tous possèdent entre eux, le fait d’être transférables, selon des modalités réductibles, à des formes plus fondamentales, celles là, générales. »
Ex : argent, amour, reconnaissance, statut…
Etablir une alliance : implique d’établir des rapports durables et diffus, sur des périodes longues, entre des nombreuses personnes…
L’échange crée l’alliance ininterrompue ; crée le statut.
1) le faire-société est d’essence symbolique. ( Durkheim)
2) La vie sociale est le produit d’une activité rationnelle de l’homme.
Antagonisme ?
On repère 3 formes de redistributions :
1- La famille :
= Le foyer ; familia, la maison ; oïkos chez les grecs (a donné économie).
Un principe de communisme en action, qui oblige à subvenir aux besoins des plus proches quelle que soit leur contribution. (ce que Castel appelle la protection rapprochée)
= à l’extérieur : parentèle, famille élargie ; (lagent chez les romains).
Les liens de parenté plus ou moins proches : créent des obligations de secours proportionnées au degré de parenté.
2- La clientèle (le clientélisme) :
Qui est capable de donner se fait des obligés. Offre qu’on ne peut refuser…
Le lobbying : c’est u peu ça. La mafia…
Question de position sociale, de logique de prestige…
3- La munificence :
Des dépenses somptuaires destinées à des catégories de personnes délimitées.
Les bénéficiaires sont escamotés par l’éclat des libéralités.
A Rome, évergésie : grands moments de liesse populaire ; jeux du cirque : actes gratuits… moyen de gérer, contenir les masses. Neutraliser la puissance grégaire. Moyen politique de contrôle.
Ce sont des sociétés éloignées de nous ; des sociétés holistes où tout se tient. Il y a consensus social sur le cercle, la communauté ; quand les oubliés réclament, « chari-vari ».
Avec ces trois formes de redistribution, on reste dans une dimension de cercle.
2- LA CHARITE :
Elle se situe quand le christianisme prend son essor, (religion persécuté au départ), et triomphe à la fin du Moyen Age ; avant cette période, la charité était privée, facultative, marginale.
Le christianisme met la charité au centre, comme vertu ou principe cardinal de la morale chrétienne. La charité devient le point de vue de la cité de Dieu. L’essence du théologique.
La succession des sphères de pensée centrales :
Jusqu’au 16ème siècle, toutes les choses de la société ont été vues du point de vue théologique.
Pascal introduit le doute, la métaphysique ;
18ème s : le Révolution : les philanthropes : référence à la morale, à la justice sociale.
19ème s : l’économie est toute puissante.
On repère deux modes d’exercice de la charité :
- l’aumône :
(différente de la munificence, et du clientélisme)
C’est une relation personnelle, originale et particulière. Il n’y a ni délimitation préalable des bénéficiaires, ni exigence de réciprocité. (Dieu vous le rendra).
(Mais quand on doit trop, on ne peut rien rendre ; exige une extension indéfinie du sentiment de la reconnaissance).
C’est un acte supposément gratuit, gratifiant, renouvelable ; trouve sa source dans l’imitation de l’action du Christ .
Un acte sacrificiel pour le rachat des péchés.
St Augustin : « le superflu du riche est le nécessaire du pauvre ».
Dans cette perspective l’aumône est presque une légitimation de la mendicité (admise jusqu’aux arrêtés d’interdiction de Nice, La Rochelle…)
- l’institution :
C’est une médiation de l’aumône. A pour ressources des dons, des donations.
Ce sont des établissements qui se spécialisent dans l’accueil des différentes catégories de pauvres, de malades…
L’institution devient une forme obligée de l’aumône.
Elle a pour charge de réparer les injustices les plus criantes, de parer aux effets des fléaux de la nature ou des hommes…
(Rappel : la vraie origine de la Révolution : 10 ans de guerre des farines dans les campagnes ; famines, Jacqueries…)
L’Etat, la nation n’est pas encore installée. L’institution encadre la mendicité et le vagabondage (façon d’encadrer la pauvreté).
A l’âge classique, au 17ème, il y a « le grand renfermement » selon Foucault : on interdit la mendicité et le vagabondage ; opposition entre sédentaires et nomades : ces derniers véhiculaient les peurs…
Paroisses , aumôneries, abbayes…leur multiplication a fait de la charité un problème politique.
Quelques remarques sur l’ambivalence de la charité chrétienne :
(à l’opposition de laquelle les professions sociales se sont créées)
- parce qu’elle ne vise pas d’abord le bien-être d’autrui mais son salut
- la conversion passe par l’épreuve de la souffrance et de la mort
- vise à secourir les pauvres, pas à supprimer la pauvreté (fait partie de l’œuvre divine).
Pour les chrétiens, la pauvreté est une chance par rapport aux tentations ; il y a aussi l’idée d’un châtiment par rapport au péché. Et d’une dérobade : les pauvres échappent à la conscience morale, à la responsablilité de la redistribution des richesses.
Pour les pauvres : se résigner, c’est la facilité, se révolter, ce n’est pas possible. (duplicité de la morale ?)
4- L’INTERVENTION SOCIALE :
Liée à la modernité. C’est le travail social, la protection sociale… laisse de côté la question de la responsabilité du dénuement.
Plusieurs conditions président à son apparition :
- Une intervention sur la société suppose qu’on puisse se représenter une société, comme un ensemble d’individus considérés comme un tout, où chaque partie assume une fonction.
Avec le 18ème siècle, la Révolution, apparaît la métaphore du corps social ; une conception qui advient en Europe.
Sa traduction politique est la Nation ; c’est au 18ème qu’adviennent les grands états nations.
- Il faut que cette société ne soit plus tenue pour un ordre sacré. (avant, ordre des choses intangible, qui voulait changer était considéré hérétique).
Qu’elle ne soit plus tenue pour une constante naturelle (qui lui donne la force de l’évidence). D’où l’idée qu’on peut la changer.
Si l’on considère la société comme un produit, sa transformation peut être infléchie dans un sens donné. On passe de la toute-puissance du théologique, de la transcendance, à des sociétés politiques, de l’immanence.
- Une volonté d’intervenir, une organisation rationnelle, l’idée d’une emprise sur chacun de ses membres.
Ces trois conditions sont réunies à la fin du 18ème siècle ; révolution, siècle de la morale, de la politique : idéal de justice…
L’assistance :
Va prendre une forme plus systématique. Va être perçue comme un progrès décisif.
Basée sur trois logiques importantes :
I L’UNIFICATION :
La tentation de l’unité. Le politique a charge de produire de l’unité.
Il faut que l’édifice soit bien huilé. (est menacé, par des villes…)
Le premier problème de l’état moderne est celui de la Nation.
« Rapprocher les hommes qu’éloignent tant de passions et de conflits». (l’ordre naturel est plutôt conflit qu’ordre).
Aristote dit que l’unité ne peut être qu’une unité faible (plus petit dénominateur commun)
Au contraire de Platon qui parle d’une unité forte.
Le politique est vu comme un mécanicien, qui doit resserrer les liens, réparer…
Toutes sortes de représentations négatives de la ville apparaissent à ce moment.
Restaurer, civiliser, moraliser, socialiser…ces parties malades, voire dangereuses.
(vision Durkheimienne : un tout harmonieux, l’exclusion est un accident ; l’objectif : de réintégrer).
(Annales de la charité en 1845 ; des notables chrétiens et Etat : idéologies solidaristes. Premières lois sur le handicap : 1812)
II L’EDUCATION :
(dans le processus de laÏcisation) :
Le corps social est vu comme un ensemble fini d’individus, dont chacun représente une richesse qu’il ne faut pas gaspiller.
C’est le début du contrôle des naissances, société malthusienne ; on a la hantise des épidémies, des maladies…
C’est une société qui développe le souci absolu de la préservation, de la prévoyance. (n’était pas pensable avant).
Guisard :
« La charité est satisfaite lorsqu’elle a soulagé l’infortune, le philanthrope ne peut l’être que lorsqu’il l’a prévenue ».
1) Les premières formes d’éducation : les fêtes révolutionnaires, les grandes fêtes civiques.
Des groupes révolutionnaires éditent des gazettes, qui se répandent ; les idées circulent.
Promotion des plaisirs populaires, des bals, et de l’information de masse.
1901 : les associations ; extraordinaire vecteur de circulation des idées nouvelles.
Sur tout le territoire, des cours d’hygiène, d’économie domestique, dans les paroisses…
2) L’école obligatoire
3) La rééducation.
Prise en charge de la marginalité, de la différence, (sauf la maladie mentale infantile, qui a eu beaucoup de retard).
L’abbé de l’Epée ; Esquirolle.
Il y a un devoir de curabilité, de soigner…
III LES SCIENCES ET TECHNIQUES
L’intervention sociale va devenir une affaire de spécialistes. On prône le salariat, au détriment du bénévolat.
Le souci est de choisir, de maîtriser les coûts. Il y a injonction de professionnalisation, d’expertise.
Place très importante (voire tyrannie…) du pouvoir médical.
La légitimité de l’intervention sociale est tirée d’un savoir sur le corps social ; connaissance de terrain, enquêtes sociales, coordinations…
L’intervention sociale tend vers une maîtrise des moyens (technicité).
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Avertissement : les 3 grandes étapes successives ainsi définies (redistribution, charité, intervention sociale) doivent être vues comme des dominantes ; (se superposent évidemment un peu) ; chaque cercle critique les limites du précédent.
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En recherche en sciences sociales, retarder le moment de l’attribution de la signification ; il est urgent de faire attendre l’interprétation. (on a hâte de trouver le sens).
L’objectivité en sciences sociales passe par le contrôle de l’interprétation.
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Notion d’Unité : est passée par les départements ; emprise sur le territoire.
Débats entre le général et le particulier : une unité centrale forte / des particularismes régionaux…
L’un et les multiples…
(Mirabeau s’est élevé contre le centralisme)
Dans le rapport au territoire il y a une spécificité française ; l’égalité pour nous c’est le territoire.
(Aux USA, l’égalité c’est la communauté).
En Europe, la tension entre centre et périphérie est forte.