Le 4/11/2004
Directrice adjointe de l’ANDESI
Psychosociologue
(intervient ce jour en tant que psychosociologue, et non en tant que directrice adjointe)
Intervention basée sur le terme de CADRE : - le mot cadre, ses multiples acceptions
- son évolution depuis environ 50 ans, dans le contexte français
- son évolution dans le secteur social
abordée plutôt sous l’angle de la psychosociologie clinique appliquée aux organisations du travail.
La psychosociologie :
N’est pas seulement un mix de psycho et de socio, mais l’étude des groupes, centrée sur leur fonctionnement en tant qu’entité (ne sont pas réductibles à la somme des individus qui les composent) ; les groupes amènent à faire fonctionner les individus d’une certaine façon…
Exemple : comment on se situe dans une salle de cours…outre les contraintes spatiales, le groupe va choisir plutôt un modèle scolaire (salle de classe) ou un modèle formation continue d’adultes (échanges, communication privilégiés..)
On a tendance à se tourner plus vers le plan de l’analyse individuelle des comportements, que vers celle du fonctionnement des groupes.
Quand on intervient auprès d’équipes dans des situations de crise, on ne va pas « attraper » les choses par le biais des problématiques individuelles, mais plutôt se pencher sur l’histoire de l’institution…pour comprendre la complexité des interactions et éviter de se centrer sur les individus (ce qui n’empêche pas de repérer telle ou telle problématique qui va freiner ou aider…)
Clinique :
1) Etymologie, du grec clinae ( ?) : lit ; (médical). Etre dans la clinique : être au chevet de …
On peut dire que les travailleurs sociaux sont des cliniciens dans le sens « sur le terrain », auprès des populations, missionnés.
2) Dans notre secteur, quand on parle de clinique, on parle de psychanalyse.
Psychosociologie clinique :
Fait référence à la notion d’inconscient. aider les groupes à comprendre ce qui se joue pour eux à leur insu, de façon répétitive. Et pourtant ils le font ; « à l’insu de mon plein gré ».
Répétitions, désignations, types de crises…où les gens ne savent plus comment s’en sortir.
Choix pas seulement fait d’un point de vue opératoire, mais aussi dans une dimension plus globale, plus complexe : réfléchir, essayer de penser…
Dans le social, selon que le secteur est public ou associatif, il y a des différences importantes du point de vue de l’encadrement. Chantal Humbert fait référence, de par son parcours, plutôt au secteur associatif.
CADRE :
Ce mot a une dimension polysémique, on désigne à travers lui des situations, des objets différents ; on retiendra : le statut, la fonction, la structure.
Le statut :
C’est l’étiquette. Même famille que statique : être debout, institué ; de l’ordre de l’instituant.
Le statut social, c’est ce qui est posé, a une image, une représentation…
(Le statut de cadre a été pendant longtemps très valorisé).
Le statut passe concrètement par la caisse de retraite des cadres, la catégorie A, les grilles d’ancienneté, les collèges, employés et cadres…
C’est de l’ordre du juridique, du conventionnel.
La fonction :
Il y a (dans notre secteur) deux aspects différents du statut, deux fonctions différentes : les cadres techniques, ou fonctionnels, et les cadres hiérarchiques.
(La loi Aubry II a même distingué 3 types de cadres : - les cadres « heurés », soumis à un horaire,
- les cadres forfaités (pas en heures mais en jours, 217/an maxi)
- les cadres dirigeants (sont « hors cadres, pas question d’heures ni de jours)
Les cadres hiérarchiques sont chefs, de plus ou moins de services…
Les cadres techniques ne sont chefs de personne ; sont cadres au titre de leur diplôme de 3ème cycle en psychologie.
Si DESS de socio, pas cadre. Si DESS de psychosocio, cadre… (lié à l’histoire, la psychanalyse, le pouvoir…
Quand on parle d’encadrement, on parle des cadres hiérarchiques.
(Dans certaines équipes, les psy font partie des équipes de direction ; se poser la question pourquoi, pour quel projet ?)
La structure :
Un cadre, c’est carré.
Dans le social, on dit beaucoup qu’ « on pose un cadre » : quelque chose de plus symbolique, de l’ordre de la règle.
En peinture, le cadre met en valeur ; on ne doit pas le voir trop. Il y a un rapport étroit entre le contenant et le contenu. Le cadre délimite le dedans du dehors.
Le cadre « contenant » : limite, protège, et permet la vie à l’intérieur. C’est la fonction symbolique du cadre.
La dimension carrée : c’est parce que c’est relativement fixe qu’à l’intérieur il va pouvoir se passer des choses. Il faut pouvoir penser un contenant pour qu’il y ait une dimension vivante à l’intérieur.
De quoi est faite cette fonction cadre ?
C’est de la psychanalyse que vient la réflexion la plus approfondie sur le cadre.
Dans la cure psychanalytique, il y a des éléments extrêmement précis qui vont permettre à l’analysant d’exprimer les choses les plus folles, les plus inacceptables socialement.
- le lieu (cabinet)
- le lieu organisé en un espace ( un divan, un fauteuil, places fixes pour l’analysant et l’analyste)
- des participants, qui ont statuts fixes, organisés (il peut y avoir un groupe familial, c’est défini)
- le temps : des horaires, une durée…
- un coût (ça représente du travail)
- le statut de la parole : tout peut et doit être dit, rien ne peut sortir du cabinet (confidentialité absolue), les actes sont interdits.
Le cadre est donné à l’avance, il fait contrat.
C’est parce qu’il est aussi serré, contraignant, que tout peut être dit ; ça va pouvoir tenir.
(Ce type de lieu est interdit dans les dictatures).
Un contenant invariable : c’est parce qu’il est invariable qu’à l’intérieur ça peut bouger.
Dans nos secteurs, on accueille des populations en souffrance, des fous, on a besoin de contenants, pour que les usagers puissent être entendus, sans que les autres usagers soient en danger, sans que les professionnels soient « cassés »…
Le contenant ne doit pas être qu’une succession de règles. La fonction de contenant est en lien avec la structure.
Quand on dit « il faut penser un cadre dans l’institution », la question est « qui pense un cadre ? ».
Chaque élément du cadre (ex : l’entretien du travailleur social) doit être pensé en cohérence avec le reste. (inclus).
Dans la culture de notre secteur, on dit beaucoup « le cadre ça fige »…
La question est plutôt celle de l’évaluation de la pertinence du cadre.
On observe aussi beaucoup de stratégies de contournement ; mais jusqu’où peut-on aller en travaillant hors cadre avec des gens qui sont hors cadre et que le but est de réintégrer…
Les dimensions personnelles et professionnelles sont très mélangées dans le social ; quel est le statut de la subjectivité ?
On ne peut travailler qu’avec sa subjectivité : comment peut-on l’objectiver, pour aller vers plus de connaissance ?
Ou, quel cadre pour que les professionnels puissent s’engager sans être trop éprouvés ? c’est une question qu’il faut traiter (formations, supervisions, cela diffère selon les institutions).
Il y a souvent un lien entre la façon dont le cadre de l’institution prend en compte ses salariés, et l’accueil des usagers…
La Constitution, c’est la loi qui dit comment on peut édicter et abroger des lois.
Dans nos institutions, quelles sont les modalités de connaissance, d’évaluation et de transformation du cadre existant ? qui détient du pouvoir sur ce cadre ? (souvent en lien avec l’histoire).
Suivant le type de structures organisationnelles, on aura des réponses différentes (plus bureaucratiques, ou petite structure de type coopératif, autogérée…)
La bureaucratie : (fondée par Fayolle) : fondée pour que ça fonctionne indépendamment des personnes ; pas d’initiatives.
Le secteur associatif : est plus fondé sur une culture de l’échange, du débat, opposition possible…
Il y a des structures organisationnelles différents suivant le type de public accueilli.
La question de la taille …
Il n’y a pas de bon modèle (ça se saurait), des avantages et des inconvénients aux différentes formules.
Il y a des cadres différents, différentes conceptions de l’homme au travail.
On a aussi affaire à nos propres représentations du cadre, personnelles et collectives.
On entretient dans notre secteur des rapports plutôt ambigus avec le cadre, les contraintes…On met en œuvre quelque chose pas forcément donné clairement à l’usager…
« Contamination » de l’objet même de notre travail (gens hors cadre, à la marge) ?
HISTORIQUE DU STATUT DE CADRE :
1945 : Alexandre PARODI, Ministre du Travail du 1er gouvernement de de Gaulle, a reçu pour mission de réorganiser l’ensemble des CSP.
Tous ceux qui avaient alors le statut d’employés supérieurs deviennent ingénieurs ou cadres, sur des critères : -de diplômes
- d’expérience professionnelle (expertise dans la tâche elle- même.
4 types de cadres : débutants, confirmés, supérieurs et de direction.
1947 : le statut de cadre donne accès à des régimes spéciaux, en particulier de retraite (AGIRC), maladie. (réformes portées par…la CGT ; période d’ébullition sociale ; statuts d’EDF, « récompensé » pour résistance)
1954 : création de la FNAC : Fédération Nationale d’Achat des Cadres.
Fondée par 2 anciens trotskistes, passionnés de photo ; les cadres, une classe sociale qui émerge, qui a un profil, des habitudes d’achat, une culture spécifiques.
Une « catégorie » extrêmement diverse, hétérogène.
Se développe jusqu’aux années 80, années qui valorisent l’entreprise, qu’on a appelées les années Tapie ; engouement pour l’entreprise.
Se transforme dans les années 90. Jusque là, les cadres se pensaient à l’abri du chômage, identifiés à leurs entreprises.
90 : « l’horreur économique » (selon Viviane Forrester) ; les cadres se réveillent brutalement ; burn out, stress, pression, + chômage.
L’APEC se développe. (revue emploi-cadres)
« Bonjour les managers, adieu les cadres » : explosion de cette notion de management (origine américaine) . Management : évite de prononcer le mot chef (pouvoir). Ere de la gestion ; on gère tout, tout est technique…
(Modèles japonais : antérieurs ; ça a donné les lois Auroux, cercles de qualité .)
Aujourd’hui, les cadres ne sont pas plus protégés ; se surajoute la question de l’âge. On enlève les quinquas, puis on les remet : on se rend compte qu’on a déshabillé des entreprises d’une certaine expérience.
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Principe de Peter : on trouve toujours de l’incompétence dans les plus hauts lieux ; quelqu’un est bon : il monte un échelon ; ça continue, jusqu’à ce qu’il soit dans une fonction où il n’est plus bon…
Des salariés peuvent être extrêmement bons sur le traitement des dossiers, pas forcément en tant que cadres.
Dans la fonction publique, l’accès à la catégorie A se fait par niveau de diplôme et réussite aux concours, pas selon capacité de management.
Dans le secteur social :
Secteur géré à 75/80% par des associations : de droit privé, fondées par des militants face à des carences de l’Etat (Unapei, APF, Sauvegardes…) financées par des fonds publics.
Au départ, secteur très militant ; des petites unités, prennent souvent modèle sur la famille (c’est parfois la famille elle-même).
Modèle familialiste, charismatique, paternaliste.
La professionnalité intervient tard. (AS 1922/ou50 ?, ES 75, CESF 73) : des jeunes, une structuration professionnelle. Des débats sur le rapport technicité/vocation…
Les directeurs animent sur des modes assez familiaux.
Années 73 : crise pétrolière, fin des 30 glorieuses : on découvre que le social ça coûte.
On introduit l’économique…(jusque là, question un peu taboue, on ne doit pas avoir à compter).
1975 : 1ères lois d’organisation du secteur :
- loi concernant les institutions sociales ( réformée en 2002)
- loi concernant les handicapés (va l’être…)
Années 80 : engouement pour l’entreprise : on se met à parler des « entreprises du social » : ce qu’on appelle dans notre secteur des institutions seraient aussi des entreprises, avec des objectifs, un budget, des compétences à gérer…
Création du CAFDES : Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Direction des Etablissements du Social.
82/86 : lois de Décentralisation ; avec les élus intervient la notion de contrôle.
Pour la 1ère fois débats sur l’évaluation du secteur social ; déchirent le secteur : ses missions sont-elles évaluables ou pas ?
Loi du 2/01/2002 : Recentrage sur le droit des usagers, et la qualité du service à rendre.
(notions déjà présentes dans la réforme des annexes 24, qui concerne les établissements relevant de la Sécurité sociale accueillant des enfants, en 10/89 : formalisation du projet d’établissement, doit tenir compte des usagers, travailler avec les familles, faire des projets individualisés…)
Service rendu à l’usager, usager au centre du dispositif, qualité du service rendu.
+ en 2007 évaluation interne, en 2009 externe.
Ere de la responsabilité. Pèse très lourd sur les cadres.
Le CAFDES : au départ, était ouvert uniquement à des directeurs en poste, puis à des cadres non directeurs ; aujourd’hui, ouvert à des gens qui ne sont pas du secteur : parce qu’on manque de cadres (pyramide des âges).
Cette année, nouveau diplôme : CAFERUIS : Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Responsabilité d’unités d’Interventions Sociales. Pour les chefs de service. Formation en 2 ans, niveau II.
CAFDES et CAFERUIS sont des formations à l’encadrement hiérarchique ; DSTS : + cadre technique, orienté sur études, recherches, formation.