UE1
« Synthèse » des cours du 16/12/04 et du 06/01/05
Interprétation dans le sens commun veut dire transformation, déformation… « tu interprètes ce que je dis ».
Dans le sens qui nous occupe, il ne s’agit pas de cela. L’interprétation fait référence au processus de mentalisation, inévitable quand on observe quelque chose, quand on en parle…
L’interprétation : la constitution de représentations, d’images de mots…
Les mots participent d’une langue, qui elle-même interprète constamment.
Un paradigme : Un paradigme est l’idée du modèle des modèles. C’est quelque chose de stable, à une époque donnée, qui résumerait plusieurs concepts( ?) , qui existe dans plusieurs sciences (traverse les disciplines).
En sciences humaines comme dans les sciences plus dures (astronomie, physique…) il existe des modèles des modèles.
Chaque paradigme peut être mis en cause par des problèmes auquel il ne peut pas répondre, ou qui n’ont pas été prévus, car non découverts.. Ex. en physique la loi de la gravitation mise en cause par la théorie de la relativité…
Dans un paradigme, il y a des images-clés…
La distribution, c’est la densité, la fréquence d’un phénomène.
Trois paradigmes seront étudiés :
- 1. le nomadisme
- 2. la sédentarisation
- 3. le réseau ou la nébuleuse.
La mise en scène, la mise en image qui se trouve au cœur de l’interprétation est dépendante de l’histoire. Il faut admettre l’existence de grandes ruptures, les 3 paradigmes (nomadisme, sédentarisation et réseau) sont en rupture les uns avec les autres.
Le nomadisme :
Paradigme de la flèche : c’est la figure du déplacement, du nomadisme.
Ses propriétés topologiques : une succession de points avec un sens général.
Propre aux hordes, aux chasseurs, cueilleurs…idée de groupe…
Propriétés :
l’orientation – caractère problématique, qui fait moteur…
le passage
l’éphémère
le milieu, l’environnement : chaque point a un environnement, mais c’est vague (sans identification)
(ex l’écologie s’intéresse au milieu : c’est une approche abstraite, non identitaire – pas de nom, pas un lieu : c’est une notion valable partout…Les écolos sont critiques par rapport à la mobilité, mais adoptent un mode de valeur qui y fait référence.)
En mer, les points servent à se repérer, pas à s’identifier…
De part et d’autre du cheminement, c’est le vide ; le vide du milieu ; le nomade est l’homme du milieu.
Les valeurs qui caractérisent ce type de parcours : le mouvement, le cheminement, la route, la mobilité…
Chercher toujours ce qu’il y a derrière l’horizon ; « l’herbe est plus verte ailleurs ».
Ce paradigme n’est pas seulement valable pour autrefois, il a aussi valeur métaphorique. Aujourd’hui aussi, il y a des comportements nomades.
Le nomadisme est la matrice de la civilisation occidentale. Il est, par le croisement des cultures, à l’origine de nos civilisations.
Nous sommes dans un paradigme de civilisation et on le voit par le biais de l’échange ; ce paradigme se retrouve dans la formation des sédentaires, lorsqu’ils apparaissent.
La sédentarisation :
Paradigme du cercle, du lieu. Se représente par une ligne fermée sur elle-même.
La dominante de la sédentarisation est l’élevage et l’agriculture, qui a longtemps été en France la base de l’économie. (Nous sommes d’abord et avant tout les héritiers des sédentaires, des fils de paysans – même si nous sommes aussi des enfants de migrants…)
Propriétés, valeurs :
L’idée de lieu, associée à celle de communauté
La permanence
La frontière
La séparation intérieur/extérieur
Le cercle, fermé sur lui-même
Un territoire
Une somme d’identités collectives, politiques, stable.
Les marches, (les bords) les marges, les exclus.. ;
La communauté : est organisée, a des règles, est stable ; à la différence de la horde, du groupe : n’est organisée que dans le passage.
Dans le monde sédentaire, il y a la hiérarchie, la stabilité. La hiérarchie se reproduit dans un régime politique. Il y a verticalité.
Un territoire, une constitution ; l’écrit est valorisé.
Les sédentaires vont mettre en valeur des représentations de l’ordre du proto-urbain, annonciateur de petites villes, notamment en Mésopotamie et en Egypte. (lire « les temps proto-urbains de Mésopotamie : contacts et acculturation à l’époque d’Uruk au Moyen-Orient » de Pascal Butterlin, Jean-Claude Margueron).
Les tartares vont momentanément s’installer dans des villes qu’ils ont occupées…puis en repartir.
Démarche : d’abord essayer de distinguer les paradigmes, les époques. Après, on peut essayer de superposer (car il y a des superpositions).
Au 19ème, la mobilité se développe (transports) ; fin 19ème : on invente la mondialisation.
Aujourd’hui, la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau ; n’est que le redéploiement de ce qui s’est produit fin 19ème.
La contemporanéité développe la mobilité. (sauf dans les cités…).
Les marches : (d’escalier) les marches de l’Europe sont sensibles à l’Est ; on s’y intéresse peu ; le conflit n’est pas pour nous.
Les marges : les exclus…
Dans le modèle sédentaire, il y a conflit avec l’ennemi : l’extérieur, le différent ; l’exclu : dangereux.
Le monde des réseaux, la nébuleuse :
La France jusqu’au 20ème siècle c’est l’agriculture puis l’urbanisation, avec la montée en puissance des réseaux, donnant lieu à la production d’un troisième paradigme, le monde des réseaux, la nébuleuse.
Ce type de société où se superpose société de nomadisme et société sédentaire ne peut qu’engendrer des problèmes crisiques et conflictuels.
La ville, c’est l’ordre des réseaux, mais pas la sédentarisation.
Les réseaux ne sont pas stables, ils procèdent du nomadisme, du mouvement. Le réseau a un caractère mobile, avec néanmoins des points de centralité (permanence) « hub » ou centres transactionnels, où la question de l’orientation se pose sans cesse.
Malgré le « sprawling » (tentaculaire en parlant d’une ville) à l’américaine, l’extension de la ville, il y a résilience, c’est à dire une recherche de la permanence avec plusieurs centres.
Il faut comprendre le caractère mobile, interne et externe, des réseaux ; les points sont des lieux, (et donc conservent la typologie du cercle). Il n’y a plus de centre unique. Pour exemple l’aéroport de Roissy, plate-forme aérienne avec Air France et l’ensemble des transferts dans tous les pays : un système de redistribution.
L’originalité de la nébuleuse : un espace transactionnel lié à l’informatique, au virtuel (différent de l’espace patrimonial). Cet espace transactionnel de la nébuleuse entraîne une globalisation, une capacité d’ouvrir les lieux au monde. Cela est lié à la technologie de l’informatique : apparition d’une communication dématérialisée.
Cet univers de réseaux pour partie physique et partie virtuel apparaît plus particulièrement la nuit : variété et densité des lumières.
La marginalité est liée au fait de ne pas pouvoir pénétrer l’espace virtuel ; dans cette nébuleuse de réseaux, c’est le sédentaire qui est marginal, en ce sens qu’il n’a pas accès au réseau.
Dans le cadre de la sédentarité, il y a des routes et le croisement entraîne une centralité : il y a des échanges marchands, il y a affirmation d’un centre. Dans la nébuleuse, l’orientation est problématique car le passage est éphémère.
Des itinéraires : jamais la même route ; en informatique, c’est pareil : n’emprunte pas les mêmes chemins…
Tous ces paradigmes sont ambivalents, ils sont interactifs, ils possèdent des interférences. Ils nourrissent des valeurs contraires.
Dans le paradigme de la nébuleuse, les deux précédents s’y superposent, mais pas seulement ; il a des caractéristiques propres.
C’est l’univers du multiple par excellence. On est dans le paradigme du chaos.
Ex pour image : notre climat vient du chaos : ce qui se passe au dessus de l’océan atlantique, aucun modèle stable n’est capable de le décrire ; a un caractère non prédictible, ce qui pose des problèmes constants.
Ø il faut s’investir dans la question de l’anticipation…
On retrouve un caractère du nomadisme : l’autre côté de l’horizon, les projets, l’orientation.
Avec des conflits de temporalité, et de territorialité.
Ce paradigme de la nébuleuse engendre crises et conflits. Leur traitement se fera par déplacement.
Pour qu’il y ait conflit, il faut qu’il y ait de l’ouvert et du fermé ; conflit de valeurs, d’identification…
On est plutôt dans un monde qui fonctionne à la crise (un peu comme dans le nomadisme: on a l’inconnu devant soi).
Le conflit : il est polarisé ; il tend à créer un processus de simplification ; il va vers la dualité.
Le conflit, c’est la détermination, il y a un adversaire.
La crise : c’est un déséquilibre, c’est diffus ; elle est indétermination, et désorientation. Il y a de l’adversité, mais on
ne sait pas où, elle est indéfinie. La crise met en cause l’identité.
Le conflit est objectivable, on peut l’analyser pour aller vers un jugement (droit) ou l’établissement de compromis ; la crise l’est beaucoup moins.
Dans la nébuleuse, il y a plutôt dissolution des conflits par la crise.
Dans ce modèle du chaos, pour sortir de la crise, on provoque des conflits : d’où la judiciarisation, la production de droit. (il n’y a plus les règles communautaires).
La guerre de 14 : incandescence de la Nation communauté, au prix de la vie de ses enfants.
Dans le paradigme de la flèche , il y a dissolution de la crise par les conflits.
Aucun conflit ne trouve véritablement de solutions, il y a déplacement.
Si vous êtes un homme politique pas con, devant une situation de crise, vous cherchez un conflit qui vient cristalliser la tension, un bouc émissaire (Machiavel).
On met la permanence là où on peut : par exemple dans le charisme d’une personne –à défaut d’autres chose…
L’espace n’a pas de frontière, même si tout le monde cherche à délimiter l’espace, à territorialiser. Le débat sur l’Europe pose la question de savoir où sont ses frontières.
Voir « La bataille du territoire, mutation spatiale et aménagement du territoire », J. Beauchard Ed l’Harmattan.
La question de la nébuleuse c’est de se centrer. (explosion du « jardin »)
La connaissance apporte des outils et des bases qui mènent à la nébuleuse.
Nous sommes dans un système de réformes politiques constant destiné à corriger les interférences produites par et dans la nébuleuse. Mais ces réformes vont elles-mêmes produire des effets contraires au but recherché.
Dans cet univers de la nébuleuse, l’attribution du sens pose problème car elle n’est pas prédéfini, d’où la crise de l’idéologie (qui possède elle-même le sens).
L’idéologie relève du paradigme du réseau ?
Dans la nébuleuse, le sens devient individuel. Ce modèle-là met en crise la religion.
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Il y a mutation de l’interprétation quand on passe d’un modèle à un autre.
Mais dans le modèle chaotique, à l’intérieur, il y a aussi des mutations ; on parlera de ruptures..
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LA VILLE, LE TERRITOIRE :
J Beauchard s’intéresse aux territoires et à la ville ; les interroge du point de vue de ces paradigmes.
A un projet de livre : « la ville-territoire » ; intégration de la territorialité paysanne.
Rem Koolas, architecte hollandais, a écrit « la ville chaos ».
J Beauchard l’observe depuis 14 ans au Liban. Le littoral s’est urbanisé très rapidement, densifié, le long d’une autostrade ; pas séparée, beaucoup de porosité; le fait de la diaspora.
Dans ce paradigme, le paysage n’est plus à l’extérieur, il est intersticiel.
Image d’aimants : ce sont les circulations (de champs magnétiques) qui mettent de l’ordre, de la régulation, paradoxalement.
Dans le modèle chaotique, c’est le flux, l’échange qui crée l’ordre.
Les circulations sont liées à des infrastructures ; (et non des superstructures, dans le sens marxiste)
Parmi les superstructures : les religions ;
Dans les infrastructures en place : les premières sont les circulations ; et le droit.
Ces sociétés (du chaos) ne subsistent que s’il y a du politique.
L’état n’est pas un parti, c’est une infrastructure ; quand ça devient un parti (modèle soviétique…) ça n’est plus un état.
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Exemple d’une association de prévention intervenant au Forum des Halles, « la clairière » : il y a inadéquation entre l’idéologie de l’asso, de ses administrateurs, et la réalité, les flux du Forum…
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Mutations de l’interprétation, de la représentation :
La ville est une mise en scène des représentations collectives, d’un paradigme dominant.
Exemple :
la ville romaine :
Se construit au croisement d’une voie nord-sud et d’une voie est-ouest.
Ses infrastructures : le réseau viaire (de voies) , d’eau, et le droit romain.
Devant les ruines romaines : on est en face d’un modèle ; pour reconstituer cette conception de la ville romaine.
Il n’y avait pas de murailles, elles n’apparaissent qu’au 3ème siècle ; il y avait des portes, sans murailles.
(La porte de mars à Reims, à l ‘époque 3ème ville de l’empire)
Changement de nom des villes : Lutèce est devenue Paris, Parisis (nom de tribu) ; Duocortorum est devenue Reims ; on passe d’un ordre du droit romain à un ordre de tribus.
La ville médiévale :
L’espace public est privatisé peu à peu.
Paroisse : du grec para oïkos : en dehors des lieux, (des maisons)
Passage du médiéval à la renaissance : ouverture, embellissement ; création de places publiques, mises en perspectives, avenues…Les murs deviennent des avenues, des boulevards plantés.
Ville typique de la renaissance : Florence.
La ville du 19ème : la ville de la naissance de l’économie capitaliste et industrielle ; privilégie ses réseaux de communications : les gares ; Haussmann…
Paris est redéfini à partir de l’ordonnancement de ses circulations. Le modèle de la ville est de plus en plus réorganisé autour de la mobilité.
Fin du 20ème :
La mobilité va l’emporter ; réorganisation, reconstruction de centralités (Forum des Halles…)
Le chaos c’est la génèse, pas le b… ; il y a apparition, réapparition de formes nouvelles.
Des consultations de population : modèle de l’interaction.
Les tramways : look identitaires, retour au passé ?
Déplacement de la crise dans le conflit : il y a saturation: on réduit la circulation par des bouchons…
Les paradigmes purs : nomadisme, sédentarité, nébuleuse :
Ces formes s’associent, se recomposent. Donnent un paradigme recomposé, un modèle composite.
Un phénomène français : la réappropriation par la bourgeoisie des centres urbains ;
J Beauchard pense que le modèle concentrique (selon Donzelot)(les plus riches au centre, les moins riches repoussés vers les banlieues) n’est pas valide ; c’est le modèle de l’Ile de France.
Les populations pauvres sont aussi dans les centres : habitat dégradé, problème d’accessibilité.
Aux USA, les centres villes sont abandonnés, au bénéfice des périphéries.
Avec l’intervention sociale, on est en pleine urbanité ; les zones pauvres sont beaucoup plus encadrées en terme de travail social.
Marx prend l’économie, les rapports de production, comme paradigme pour comprendre la société.
Beauchard s’en détache et prend la ville comme paradigme. (en 1800, seulement 3 % de la population vivait en ville).
Exemple de Beyrouth : en 551 , la ville romaine est rasée par un tremblement de terre ; avant, c’était une ville majeure (école de droit romain). Elle a disparu. Renaît à la fin du 19ème ; aujourd’hui plus d’un million d’habitants.
Paris : en 1789, 500 000 hab ; en 1860, 1,5 M (après agrandissement).
En 2005, la population mondiale est majoritairement urbaine.
C’est un phénomène majeur qui contient touts les autres : la montée en puissance de l’urbanisation.
Les côtes ravagées par le tsunami : du résidentiel chaotique ; a été balayé (sauf les mosquées, construites en dur) ; est-ce de la ville ? pari que ce sera différent après ?
Pour penser demain, il faut penser le changement de l’urbanité.
La campagne est rentrée en croissance à cause des résidences secondaires – pas si secondaires que ça. Ont vocation pour 30% d’entre elles à se transformer en principales. Notion de double résidentialité.
Les gens sont « nomades », ils campent ; peuvent se transformer en sédentaires, à la retraite.
Les portugais sont plus mobiles par tradition que les français…
La migration transforme ; la trajectoire du migrant…
Tarins a étudié ces réseaux de migration.
Les mutations = des ruptures ; pour qu’il y ait rupture, il faut qu’il y ait un système.
· Il y a des phénomènes, des vrais phénomènes, observables.
· En terme de civilisation, les choses se jouent en terme de paradigmes.
(les deux niveaux sont liés, interfèrent.)
J. Beauchard cherche des paradigmes – clés ; et tombe sur ces 3 modèles.
Les nomades ne sont pas des urbains ; mais le nomadisme est aussi utilisable en métaphore ; ex : ceux qui restent longtemps ado sont des chasseurs-cueilleurs.
Quand il y a mutation, il y a bifurcation. Cela ne se produit pas de façon simple ; il y avant des crises, des conflits…
C’est une notion différente de celle d’évolution : trop linéaire.
(ex : le tsunami en Asie : on va assister à une bifurcation de l’urbanisation, et du tourisme paradisiaque (parasitaire)
L’interprétation est une mise en scène de l’esprit, à travers le langage dont la première opération est la représentation, le choix des mots et des images.