Annick Gascher
Fiche de lecture : les stratégies identitaires de Carmel Camilleri et les autres
Problématique , introduction
La notion d’identité est apparue dans la psychologie sociale avec Erikson et elle a ses racines dans différents courants de pensée. Actuellement chacune des disciplines qui utilisent la notion d’identité se situe dans une approche moins substantialiste et plus dynamique, plus interactionniste plus sociale.
En psychologie sociale des travaux font état des modalités par lesquelles se construit l’identité personnelle : le sujet est amené à se comparer à autrui et cherche à saisir les ressemblances et différences de façon à se situer et à s’évaluer par rapport au consensus social qui l’entoure.
Goffman a apporté une contribution à ces recherches en conceptualisant la notion de représentation de soi et de l’identité par la théorie du rôle. Il montre que les représentations de soi on tendance à s’institutionnaliser sous forme d’un ensemble d’attente du public à l’égard de l’acteur social. Le monde est un théâtre affirme Goffman et la vie sociale est une vaste scène ou les acteurs sont amenés à respecter les rituels pour préserver la face. Dans une de ses œuvre « stigmate » (1963) Goffman analyse les mécanismes qui font que la société sécrète des déviants. C’est par le biais de l’identité stigmatisée que l’auteur montre comment les différentes identités ne sont que des façades plus ou moins assumées ou rejetées. L’auteur parle d’identité réelle ou virtuelle ou le faux semblant apparaît comme une stratégie de survie.
En Sociologie, l’identité a été étudiée comme une représentation de soi en tant qu’individu ou que groupe façonnée par l’idéologie dominante dans une société donnée. Des travaux ont montré comment les groupes sociaux intériorisent une certaine interprétation de la place qu’ils occupent dans les rapports de production et dans les relations de pouvoir, de telle façon qu’ils ne perçoivent pas l’influence des déterminismes sociaux sur leurs destinées individuelles. Dans ce cas l’identité imposée équivaut à une aliénation
Quand il y a identité et non plus aliénation cela suppose une prise de conscience des contradictions. En effet la conscience active de l’identité se fait à partir des conflits qui sont le propre de société dotée d’historicité. Pour qu’un individu devienne un acteur il doit cesser d’accepter l’identité que lui assigne son système. (On pense à Tourraine)
Mais les identités assignées ne s’incarnent pas nécessairement avec les traits et les nuances que leur impose le groupe dominant car en les acceptant les individus sont amenés à les modifier. Les auteurs de ces travaux ont sous estimer les possibilités de réponses des acteurs (inconscient, imaginaire) et la part du hasard ou du choix …
Il y a aujourd’hui un consensus pour supposer que chaque individu ou groupe peut disposer successivement ou simultanément de plusieurs identités dont la matérialisation dépend du contexte historique, social et culturel où il se trouve. P 18
Ainsi Gadin pose l’hypothèse que notre conception de la personne et de son identité est un produit historique (de l’histoire occidentale, et de l’histoire des idées)
Levi Straus en étudiant la conception de l’identité des sociétés primitives avance qu’aucune d’elles ne retient pour acquis une identité substantielle. Selon les cultures l’individualité est décomposée en plusieurs âmes ou bien recomposée. L’identité apparaît comme une fonction combinatoire instable et non comme immuable
. Pour Levi Strauss l’identité est une sorte de foyer virtuel auquel il est indispensable de nous référer pour expliquer un certains nombre de choses. Il faut dégager au delà des représentations de surface les structures profondes qui façonnent l’identité
Depuis quelques années se développe dans les sciences humaines un courant interactioniste qui conçoit les identités comme des stratégies identitaires justement pour souligner leur caractère relationnel et dynamique C’est dans l’air du temps , l’individu prime, il est acteur , responsable de sa destinée, le temps des déterminisme est loin.
Dans l’ouvrage de Camilleri on considère
-que l’identité est le produit d’un processus qui intègre les expériences de l’individu toute sa vie, l’importance est donnée à l’interaction entre le sujet et le monde. P. 22
-On considère également que les structures sociales ont une place essentielle dans les interactions entre l’individu et le monde (la culture, les institutions, l’histoire, l’idéologie… )
-On pense que les situations d’interactions dans lesquelles sont impliqués les individus sont diverses et multiples et ces différents rôles ou identités amènent des réponses identiques ou multiples qui s’intègrent dans un tout structuré , cohérent et fonctionnel.
- Malgré le caractère mouvant, en fonction des situations et du temps, le sujet garde une conscience de l’unité de l’identité et de sa continuité.
- Enfin l’approche de l’identité en terme de stratégie identitaire est la base de l’ouvrage. Cela implique l’idée d’individus qui ont une capacité d’action sur le choix de leur groupe d’appartenance, et la stratégie évoque une certaine marge de manœuvre des acteurs sociaux.
Les statégies identitaires des acteurs sociaux.
Joseph Kastersztein
La notion d’identité.
L’identité est souvent utilisée comme un concept générique qui définit un état de la personne ou du groupe auquel on peut se référer dans l’explication de comportements individuels ou collectifs.
L’identité pourrait se définir comme une structure polymorphe dynamique dont les éléments constitutifs sont les aspects psychologiques et sociaux en rapport à la situation relationnelle à un moment donné d’un agent social (individu ou groupe) comme acteur social. p 28
La structure identitaire n’est pas d’une plasticité totale, sinon elle entraînerait la confusion psychologique ou sociologique. Il existe un noyau dur stable des caractéristiques identitaires et la difficulté qu’éprouvent les individus ou groupes à se redéfinir dans un contexte culturel nouveau en est la preuve.
Des travaux sur les crises identitaires mènent à penser que lorsque l’élasticité maximale des systèmes est atteinte, lorsque l’univers relationnel se transforme, une rupture se produit et nécessite l’élaboration d’une nouvelle structure. L’adolescence est cette période de changements relationnels et d’environnement ajouté à la pertes des repères identitaires de l’enfance.
Les stratégies identitaires
La stratégie est un ensemble d’actions coordonnées en vue d’une victoire c'est-à-dire les acteurs poursuivent une finalité. La stratégie consiste à définir le comportement, l’adaptation constante pour atteindre la victoire identitaire. Les acteurs réagissent tactiquement en fonction de la représentation qu’il se font de ce qui est mit en cause dans la situation, des enjeux, et de finalités perçues mais en fonction de l’état du système dans lequel ils sont impliqués ; Les réponses de individus ne sont pas simplement conjoncturelles mais elles ont toutes une finalité.
Les finalités identitaires
lLa conformisation : ce mécanisme évalue le degré de similitude entre un acteur et son environnement. L’individu va se conformer aux attentes de la société mais cela ne veut pas dire qu’il les accepte
lL’anonymat : se fondre dans la foule, c’est montrer qu’on respecte les règles établies le risque est d’atteindre le point extrême de la désindividualisation. L’anonymat fonctionne comme un facteur déresponsabilisant.
lL’assimilation : c’est le degré le plus fort de la similitude, les acteurs vont tenter de faire admettre leur appartenance, ils vont oublier les caractéristiques historiques et culturelles qui les rendaient distincts et accepter l’ensemble des valeurs et normes dominantes. P35
Ces trois finalités : conformisation, anonymat et assimilation sont valorisées positivement.
Mais losque les individus ne parviennent pas à atteindre ces finalités, lorsqu’ils les vivent comme des mises en cause de leur existence, les stratégies se modifient.
Lorsque la différence et la singularité sont menacées, les individus poursuivent alors des objectifs différents :
lla différentiation : les individus cherchent de nouvelles conduites , de nouvelles façons d’être avec autrui. Face à l’indifférenciation qui se prépare avec l’Europe la recherche de particularismes régionaux ou nationaux est une réponse.
lla visibilité sociale ; c’et la stratégie pour ceux qui en ont les moyens de faire reconnaître leur valeur, afin de compter pour quelque chose et d’être pris en compte
La recherche de visibilité est un mobile puissant des comportements stratégiques identitaires.
lla singularisation ou individualisation. C’est le mécanisme le plus extrême de la différenciation. . La culture dominante accepte qu’un individu doit différent par ce qu’il appartient à une autre culture, mais elle réprime les actes trop individualisés. Seuls les privilégiés, artiste, intellectuels en ont l’autorisation.
En conclusion la mise en place de stratégies identitaires vise toujours l’existence de l’acteur, la reconnaissance aux yeux des autres et des siens d’une place qui lui soit propre : la réalisation de soi.
Stratégies identitaires et minorités TABOADA –LEONETTI
L’identité est un sentiment d’être par lequel l’individu éprouve qu’il est un « moi » différent des « autres » (définition relevant du psychologique)
Mais il se situe également dans le rapport avec l’autre
Pou le sociologue il n’y a que des identités en situation produites par des interactions. C’est dans le rapport à l’autre que s’élabore le soi.
L’identité est donc l’ensemble structuré des éléments identitaires qui permettent à l’individu de se définir dans une situation d’interaction et d’agir en tant qu’acteur social.
Les éléments identitaires.
Ils sont de deux catégories : ceux qui définissent l’identité personnelle ( ce qu’il a d’unique, c'est-à-dire les qualités , les défauts…) L’auteur pense que ces traits de caractère sont aussi construits culturellement , intériorisé par les sujets. La frontière entre l’identité personnelle et sociale est mouvante et dépend de l’évolution idéologique des sciences sociales P 45
Et ceux qui définissent son identité sociale c'est-à-dire les statuts qu’il partage avec les autres membres de son groupe social.
La structure de l’identité.
L’organisation des éléments identitaires dont la combinaison définit un être unique, n’est pas la somme de l’ensemble. Il s’agit d’une structure assez stable, (les individus ont le sentiment de la continuité) mais qui peut évoluer, changer, intégrer d’autres éléments suivant les changements objectifs qui se succèdent : exemple intégrer le statut d’adulte, de père, d’amant…de professeur…) . Selon la situation, les marqueurs identitaires sont plus ou moins activé et les autres plus ou moins mis en réserve car ils s’organisent autour de ce qui apparaît le pole de cristallisation de l’identité.
P 46
L’identité apparaît comme « une boite à outils » selon l’expression de « Devereux « chaque outil étant un élément identitaire que le sujet choisit en fonction de l’adéquation à « l’opération » demandée, suivant la situation d’interaction dans laquelle il est.
Les situations d’interaction.
L’identité est produite non seulement par le regard de l’autre mais surtout par le mouvement dialectique d’intériorisation et de contestation de la situation d’interaction qui définit les places relatives de l’un et de l’autre. Ainsi on ne peut éprouver une identité d’aîné que dans une famille ou il y a des cadets et que les identités d’aîné ou de cadet sont investies de valeur différentes suivant les systèmes familiaux et culturels dans lesquels elles se situent
La structure identitaire n’est pas seulement de l’organisation des divers éléments identitaires mais de la construction d’un entrelacs de lignes qui représenteraient des relations. Ainsi on n’est pas seulement mère, chercheur, et épouse et Française mais on est aussi mère d’un garçon, chercheur reconnu ….
Les stratégies identitaires.
La notion de stratégie postule indiscutablement que les acteurs d’agir sur leur propre définition de soi.
Les stratégies identitaires son le résultat de l’élaboration individuelle et collective des acteurs et expriment dans leur mouvance les ajustements opérés au jour le jour en fonction de la variation des situations et des enjeux qu’elles suscitent (c’est à dire des finalités exprimées par les acteurs) et des ressources de ceux-ci.
lLigne de partage entre l’appréhension par la psychologie et par la sociologie page 50
L’auteur se centre sur une approche des stratégies identitaires dans une problématique groupale et plus particulièrement dans une problématique des minorités.
Les stratégies se définissent par trois éléments :
-les acteurs, individuels ou collectifs
-la situation dans laquelle sont impliqués les acteurs et les enjeux produits par la situation
-les finalités poursuivies par les acteurs.
Ces trois éléments sont nécessaires pour mettre en place un processus de stratégie identitaire.
Les situations d’interaction et les rapports sociaux.
Les relations entre deux acteurs (l’interaction) s’expriment à différents niveaux : celui des représentations (dans le discours) et celui des relations interpersonnelles, et celui des rapports sociaux existants
Les relations sont en grande partie prédéterminées par les rapports sociaux des uns et des autres. Exemple une situation qui met en relation un français et un immigré est par avance qualifiée par la nature des rapports sociaux des français à l’immigration.
Le sociologue étudie et décode les situations d’interaction productrices d’identité a partir de l’étude des rapports sociaux qui prédéterminent les statuts et les roles des acteurs et leurs rapports complémentaires.
. Les finalités :
elles sont diverses et de niveaux de conscience très divers ;
la visibilité ou la reconnaissance
l’assimilation
la différentiation
la valorisation
la temporalité (la filiation avec le passé et la possibilité de se projeter dans l’avenir)
les intérêts sociaux
les bénéfices psychologiques
Stratégies identitaires et minorités.
Dans une approche sociologique on s’intéresse aux stratégies identitaires exprimées par des mouvements collectifs, ceux-ci étant le plus souvent le fait de situations sociales conflictuelles ou d’une façon générale des situations de domination ou d’inégalités qui produisent des identités minoritaires prescrites par un groupe majoritaire.
L’identités ethnique minoritaire est en grande partie assignée par un groupe majoritaire dont le regard est d’une certaine manière constituant du groupe minoritaire.
P 60
Les minorités ont des conduites diversifiées d’acceptation , de rejet ou des négociation de cette identité assignée.
L’intériorisation, la surenchère, le contournement, le retournement sémantique, l’instrumentalisation de l’identité assignée, la recomposition identitaire, l’assimilation au majoritaire, le déni, et l’action collective sont des réponses possibles.
Les actions collectives : Certaines identités sont définit par des statuts sociaux trop contraignants pour qu’on puisse les changer individuellement. S’en suit un conflit, et il ne peut être résolu qu’en modifiant la nature des rapports qui qualifient ces statuts, c'est-à-dire dans le champ des mouvements susceptibles de modifier la nature des rapports sociaux entre les groupes.
Pour le sociologue l’appel à l’identité est une revendication d’une capacité d’action et de changement. Elle apparaît comme le refus des rôles sociaux ou comme le refus de la définition sociale des rôles que doit jouer l’acteur ( Touraine 1984)
Il s’établit un mouvement dialectique entre l’identité individuelle et l’identité collective . L’identité collective n’est pas seulement un modèle d’identification proposé aux membres d’un groupe elle est le produit de leur action collective.
Dans leur tentative de conquérir le « pouvoir de définir conformément à leurs intérêts les principes de définition du monde social » Bourdieu 1980, les membres d’un groupe minorisé, font référence à une identité collective et mythique ou anticipatoire qui devient progressivement réalité , non pas du fait de leurs désirs mais dans l’engagement de l’action et dans l’interaction avec l’autre. Exemple les minorités régionales ou colonisés, partis d’une identité négative ou inexistante ces groupes revendicatifs on re-construit une identité collective non seulement par identification aux leaders mais surtout par identifications aux modèles qui apparaîssent dans l’action et dont ils étaient les produits aléatoires.( l’identité beur ) P 78