Synthèse des notes de HENRY Stéphane et Martine Gatineau le 25/11/04
Les modèles d'interprétation 1
Plan de cet enseignement
Introduction
I. Le positivisme (A comte) vient des disciplines machinistes et physiques
II. Le fonctionnalisme (E.Durkheim) positivisme transformé
III. Modèles issus de la théorie marxiste (P.Bourdieu)
IV. La sociologie compréhensive (Max Weber) : comprendre subjectivement l'individu
V. Le structuralisme (Lévi Strauss) c'est la linguistique qui construit le structuralisme
VI. L'individualisme méthodologique (R.Boudon) ≠ opposé à Bourdieu sur la question de l'échec scolaire (Pour Bourdieu l'échec scolaire est déterminé par la catégorie sociale, alors que Boudon il s'explique par les choix familiaux.
VII. Les théories de l'acteur (Crozier)
VIII. Le courant pragmatique
IX. L'éthno-méthodologique et l'interactionnisme symbolique (Irwin Gofman – Ecole de Chicago
Introduction
Toutes les sciences ont pour objectif de comprendre la réalité. En science sociale, on se dote de constructions intellectuelles appelés modèles théoriques pour questionner la réalité.
Chaque modèle porte un regard sur une partie de la réalité. Aucun modèle n'a la prétention de pouvoir répondre à toutes les questions et c'est pour cela qu'il y a multiplication de modèles théoriques, chacun portant un regard différent, ce qui permet ainsi de pouvoir mieux cerner la réalité de l'objet étudié. La création d'un nouveau modèle s'effectue pour répondre à des questions que le précédent ne se posaient pas, où ne pouvaient y répondre.
Quelques définitions :
Epistémè [1] : manière de penser qui traverse plusieurs disciplines à un moment donné, comme le structuralisme [2] par exemple.
L'épistémologie [3] travail d'analyse sur les différentes théories
Paradigme [4] terme utilisé par Thomas Kuhn[5]. Il a montré l'importance revêtue par l'élaboration des paradigmes (concepts servant de modèle ou de référence) en science : le paradigme de la mécanique domina la physique du 17ème siècle ; au 19ème siècle, ce fut celui de la thermodynamique. Le paradigme dominant de notre époque est celui de la complexité, de l'irréversibilité et du chaos.
Thomas Kuhn pense qu'un modèle théorique est en lien avec la communauté scientifique qui le produit à un moment donné.
Pour lui la construction d'un modèle théorique à un moment donné n'est le fruit du hasard. Il correspond au reflet de l'état d'une société. Les liens peuvent être politiques, économiques (libéralisme), technologiques, scientifiques, historiques.
Chaque modèle théorique est produit par une discipline. A chaque science émerge un modèle théorique de la discipline en expansion à ce moment là dans la société.
Sous chaque modèle se cache une philosophie.
L'homme, est il le maître de son destin ou l'homme est-il déterminé par la place qu'il a dans la société.
Chaque modèle en science sociale présuppose une philosophie et une façon de penser.
Généalogie
Pour comprendre les modèles théoriques, il est nécessaire de les inscrire dans leur généalogie afin d'en saisir les liens qui peuvent les relier.
A chaque époque sociale on trouve une réforme, ou quelque chose qui fait référence.
Exemple : Au 18 ème siècle, l'ensemble des idées et les manières de penser sont dominés par le contrat social. Même si cette question est évitée, il faut justifier son écart, ce qui indique bien la dominance de ce modèle du"contrat social" au 18éme siècle.
Le 19 ème siècle fut marqué par l"idée de communauté, de nation. Au 20 ème siècle, il semble que soit l'idée "d'acteur" qui domine.
Généalogie de la pensée sociologique
Du religieux au politique
Jusqu'au 17 ème siècle, toute explication est une explication religieuse. Le gouvernement et l'administration sont "religieux".
Au cours du 16 ème siècle, apparaît une organisation laïque et le début d'une pensée politique.
Machiavel écrit en 1513 "Le Prince" dans il explique en substance que pour asseoir le pouvoir du prince, il doit avoir recours à la force . L'idée est de se faire craindre par la force. Le fait de dire que le pouvoir divin, donné par Dieu, n'est pas suffisant pour être prince et en cela s'introduit la notion de politique.
Bodin en 1576 écrit la République ; il distingue des modes de gouvernements : despotiques, aristocratiques et républicains.
Hobbes[6] avec le Liévathan en 1651 : pacte artificiel entre les hommes et le gouvernement. Pacte entre passé entre les peuples et les souverains pour maintenir un ordre. Hobbes défend la monarchie avec l'idée d'une pacte social passé entre le monarque et le peuple.
En 1690, Locke [7] : le gouvernement civil prolonge l'idée du pacte social de Hobbes, avec l'autorisation pour le peuple la résistance et la désobéissance civile si le gouvernent ne fait pas ce qu'il faut. Il prône la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif.
Rousseau (1712-1778) [8] écrit le "Le contrat social". Le peuple est souverain, mais les individus qui seraient très bons à l'état de nature individuellement deviendraient « horribles » en société, le peuple délègue sa souveraineté à un gouvernement chargé d'établir ou de rétablir l'ordre dans la société.
Montesquieu établit le pont entre la pensée politique et la pensée sociologique. En 1748, il écrit l'esprit des lois qui analyse les différentes formes de gouvernement :
![]() | le despotisme fondé sur la violence, la contrainte et la calamité |
![]() | La monarchie fondée sur un seul, ou la hiérarchie elt l'honneur en sont les principes premiers |
![]() | La république où le peuple est souverain |
Il s'interroge pourquoi tel gouvernement dans tel régime. La théorie des climats : rapport entre la situation géographique et le type de gouvernement.
Pour Montesquieu la République ne pouvait s'envisager que dans un petit territoire.
L'esprit général d'une nation, c'est un ensemble qui peut réunir les éléments suivants, les institutions, le droit, le commerce, les religions, et toutes les causes sociales. C'est en s'interrogeant sur cette culture qu'il effectue un pont entre la politique et la pensée sociologique.
Du politique à l’économique
L'histoire de la pensée économique remonte au milieu du 18 ème siècle.
La transformation de la pensée politique à la pensée sociologique est l'œuvre des physiocraties [9] parmi lesquels on retrouve Turgot, ou Quesnay qui théorisent une pensée économique libérale.
Dans cette pensée économique ou l'agriculture est omniprésente, les propriétaires fonciers soutiennent cette doctrine.
B.de Mondeville, illustre à travers "La fable des abeilles"[10] la pensée économique libérale, où en substance résumé ainsi :"laissez chacun agir pour ses propres intérêts, il en ressortira du bien commun".
Adam Smith [11] écrit "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations" (1776),. La Pensée économiste est fondée sur l'égoïsme et la pensée amorale. il pense que la recherche par les hommes de leur intérêt personnel mène à la réalisation de l'intérêt général : il prône donc la liberté. Il approfondit la notion de valeur en distinguant valeur d'usage et valeur d'échange.
L.Dumont[12] montre comment l'idéologie imprègne les savoir-faire. Il a écrit l'Homo-hierachicus, et Homo Aequalis .
L'individualisme serait venu du 18 ème siècle. La pensée libérale à été à l'origine d'une pensée sur l'individualisme. Il oppose les sociétés holistes (hiérarchies dans les groupes sociaux) aux sociétés libérales. [13]
I. Le positivisme (A comte)
A la révolution, où tout bascule, ou les conservateurs s'opposent à d'autres comme A. Comte[14] qui essaye de réorganiser la société avec ses nouveaux droits. Il écrit un système de politique positive. Il prend peu de distance, entre la politique et la sociologie. Il prône le positivisme, et essaie de le faire advenir dans toutes les disciplines. Il constate que son époque (1820/1830) est un moment de vrise, un conflit entre 2 systèmes : l'ancien régime dominé par les religieux et les militaires et le système industriel/scientifique.
La loi des 3 états : Il explique que la société, l'esprit humain passe par trois étapes :
![]() | L'étape théologique (religieux, magique, fétichiste) |
![]() | L'étape métaphysique ou abstraite |
![]() | L'étape positiviste |
Les sciences vont arrivées à l'état positif, mais pas tout en même temps. Tout d'abord les mathématiques, l'astronomie et la physique, puis la chimie et la biologie, et enfin les sciences politiques et sociales.
Le positivisme est un modèle philosophique qui consiste à ne parler et à ne croire que de ce que l'on voit. Ce modèle est calqué sur le modèle mathématique et physique (newton).
Ce modèle procède de l'observtion, puis on fait jouer des facteurs différents pour voir et chercher des explications et causes des phénomènes, ainsi que des corrélations.
Puis on établit à partir des conclusions des lois. On établit les fiats sociaux comme des choses. On est dans un modèle qui voit la société dans son ensemble, on explique les phénomènes puis on établit des lois.
Les monistes = unité de la science[15] . Ils ont pour principe l'objectivité et l'idée de totalité. Leur outil : les statistiques.
Ce modèle n'est aujourd'hui pas obsolète. Des sociologues utilise ce modèle, notamment A. Girard qui traite du choix du conjoint entre 1919 et 1959. Il s'agit de savoir qui épouse qui ? Il construit pour cela un échantillon représentatif des ménages entre 1919 et 1959. La question est de savoir si l'on épouse quelqu'un de proche ou de distant. Il établit un questionnaire plutôt fermé (oui non) sur la localité, et des questions socioculturelles et professionnelles.
Ses conclusions font apparaître que les personnes qui se marient sont géographiquement et socio culturellement proches. Il en conclu par une loi de proximité : l'attraction des semblables.
Cette enquête a été le soubassement à d'autres enquêtes où des critères revenaient de manière systématique comme l'homogamie, comme seul critère pouvant orienter une question sur le milieu ou classe socioprofessionnelle en interrogeant uniquement sur la profession du père, et faisan
[1]
épistémè
nom féminin
(mot grec, science)
Philos. Configuration du
savoir rendant possibles les différentes formes de science à une époque
donnée.
[2]
structuralisme
nom masculin
1.
Courant de pensée visant à
privilégier d'une part la totalité par rapport à l'individu, d'autre part le
caractère synchronique des faits plutôt que leur évolution, et enfin les
relations qui unissent ces faits plutôt que les faits eux-mêmes dans leur
caractère hétérogène et parcellaire. (Le structuralisme, qui a dominé la vie
intellectuelle des années 1960, a été illustré notamment par l'anthropologie
culturelle de Lévi-Strauss.)
2.
Ling. Démarche théorique qui
consiste à envisager la langue comme une structure, c'est-à-dire un ensemble
d'éléments entretenant des relations formelles.
Syn.
:
linguistique structurale
[3]
épistémologie
nom féminin
(grec epistêmê,
science, et logos, étude)
Partie de la philosophie qui
étudie l'histoire, les méthodes, les principes des sciences.
–
Épistémologie génétique
:
théorie de la connaissance scientifique, développée par J.
Piaget, fondée sur l'analyse du développement de la
connaissance chez l'enfant, et sur celle de la constitution du système de
notions utilisées par chaque science particulière au cours de son histoire.
[4]
paradigme
nom masculin
(grec paradeigma)
1.
Ling. Ensemble des formes
fléchies d'un mot pris comme modèle (déclinaison ou conjugaison)
; ce mot lui-même.
2.
Ling. Ensemble des unités
qui peuvent être substituées les unes aux autres dans un contexte donné.
3.
Log. Modèle théorique de
pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifiques.
[6] Hobbes (Thomas), philosophe anglais (Wesport, Wiltshire, 1588 - Hardwick Hall 1679). Partisan d'un matérialisme mécaniste, il décrit l'homme comme un être naturellement mû par le désir et la crainte
(« L'homme est un loup pour l'homme ») ; pour vivre en société, l'homme doit renoncer à ses droits au profit d'un souverain absolu qui fait régner l'ordre, l'État (le Léviathan, 1651).
[7] Locke (John), philosophe anglais (Wrington, Somerset, 1632 - Oates, Essex, 1704). Il expose un matérialisme sensualiste : en rejetant les idées innées de Descartes, il place la source de nos connaissances dans l'expérience sensible ( Essai sur l'entendement humain, 1690). Il considère que la société repose sur un contrat et que le souverain doit obéir aux lois ; sinon l'insurrection du peuple est légitime (Lettres sur la tolérance, 1689).
[8] Rousseau (Jean-Jacques), écrivain et philosophe de langue française (Genève 1712 - Ermenonville 1778). Orphelin de mère, abandonné à dix ans par son père, il poursuit son éducation en autodidacte. Accueilli puis rejeté par Mme de Warens, précepteur chez M. de Mably, il souffre de solitude et d'incompréhension et tire de cette expérience le principe de sa philosophie : celle d'un sujet libre (la conscience, le cœur). Il poursuit dès lors dans la quête de soi-même le secret du bonheur des autres et de leur compréhension mutuelle. Le mal dont souffrent les hommes est, selon lui, linguistique et politique (Essai sur l'origine des langues). Cette recherche d'une harmonie entre les hommes s'exprime par une critique des fondements d'une société corruptrice (Discours sur les sciences et les arts , Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , Lettre à d'Alembert sur les spectacles), à travers un exposé des principes éthiques de la vie publique et privée dans des œuvres philosophiques (Du contrat social , Émile ), romanesques (Julie, ou la Nouvelle Héloïse ) et autobiographiques (Confessions , Rêveries du promeneur solitaire ).
[9]
physiocratie
nom féminin
(grec phusis, nature,
et kratos, pouvoir)
Au XVIIIe s., doctrine de certains économistes qui, avec Quesnay, considéraient la
terre et l'agriculture comme les sources essentielles de la richesse.
[10] "Axel Kahn. Longtemps on a cru que les lois de la nature humaine étaient d’origine divine. La force du libéralisme qui se développe dans la foulée des Lumières et de la Révolution française est d’affirmer que le fonctionnement de la société repose sur les seules lois de la nature. Ainsi, l’égoïsme individuel poussé jusqu’au bout est la condition de l’équilibre collectif : c’est la fable des abeilles de Mondeville, selon qui les vices privés engendrent les vertus publiques. La société doit absolument fonctionner sans entraves si l’on veut que l’équilibre politique, la rationalité, " la mondialisation heureuse " s’instaurent, grâce à la science, à la technique et à l’argent accumulé par la technique." (Extrait de l'article de l'humanité du 3/11/2001 s'intitulant : SCIENCES Albert Jacquard, Axel Kahn : le vivant, l’homme et la liberté Pour lire tout l'article clique ici
[11] Smith (Adam), économiste britannique (Kirkcaldy, Écosse, 1723 - Édimbourg 1790). Auteur des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)
[12] Dumont (Louis), anthropologue français (Thessalonique 1911). Il a entrepris une réflexion sur la société à partir d'une étude du système des castes de l'Inde (Homo hierarchicus, 1966 ; Homo aequalis, 1977).
[13] Totalité, libéralisme, individu, hiérarchie Article à lire
[14] Comte (Auguste), philosophe français (Montpellier 1798 - Paris 1857). Son Cours de philosophie positive (1830-1842) est à l'origine du positivisme. Il est considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie.
[15]
monisme
nom masculin
(grec monos, seul)
Philos. Système selon lequel
le monde n'est constitué que d'une seule substance, pour lequel l'objet
auquel s'applique la pensée est un, par opp. à dualisme, à
pluralisme.